Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) et la notice des médicaments contenant de la gabapentine (Neurontin et génériques en Belgique) ont été mis à jour suite à une analyse des risques de mésusage, d'abus, et de dépendance.
Rappels et recommandations
La gabapentine (Neurontin et génériques) est un analogue de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) qui fait partie de la famille des gabapentinoïdes (comme la prégabaline). Toutefois, elle exerce ses propriétés inhibitrices sur le système nerveux en agissant sur des canaux calciques voltage-dépendants, et non pas sur les récepteurs du GABA. En Belgique, la gabapentine est indiquée dans le traitement des crises épileptiques partielles avec ou sans généralisation secondaire chez l’adulte et l’enfant à partir de 6 ans, et dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez l'adulte.
La posologie quotidienne recommandée pour la gabapentine est généralement comprise entre 900 et 3600 mg en trois prises pour un adulte sans comorbidité qui justifierait une dose réduite (âge avancé ou insuffisance rénale).
Mésusage, abus et dépendance
Depuis quelques années, des abus et mésusages de la gabapentine (et de la prégabaline, voir notre précédente communication) sont constatés. La prévalence de ceux-ci pourrait être d’environ 1 % dans la population en général et de 40 – 65 % chez les patients à qui la gabapentine est prescrite. Les usages détournés et abusifs de ce médicament sont généralement motivés par des fins récréatives, pour le contrôle de l’humeur ou de l’anxiété, pour renforcer l’effet d’autres substances psychotropes ou dans le cadre d’intentions autodestructrices.
La majorité des utilisateurs problématiques de gabapentinoïdes sont des jeunes hommes adultes, dont l’âge médian est en constante diminution (de 30 ans en 2010 à 24 ans en 2019). Les risques d’abus, de mésusage et de dépendance aux gabapentinoïdes augmentent chez les patients qui ont un historique d’abus de substances, des douleurs chroniques ou des comorbidités psychiatriques. Ces risques peuvent également concerner des patients n’ayant jamais montré d’abus de substances et qui prennent des doses thérapeutiques de gabapentine.
L’abus de gabapentine seule est assez rare, et celle-ci est plus fréquemment utilisée en polyconsommation de substances psychotropes ou sédatives (benzodiazépines, opioïdes, antidépresseurs, Z-drugs, antiépileptiques, cannabinoïdes ou alcool). En outre, ces polyconsommations augmentent les risques de dépression respiratoire, de coma ou d’issues fatales qui peuvent survenir dans le cadre de surdosages ou d’interactions.
L’abus ou le mésusage des gabapentinoïdes peut mener à une dépendance, susceptible de se manifester par des signes physiques (tolérance et sevrages), de même que des signes psychologiques (perte de contrôle de la consommation, comportement de recherche de médicament). Les symptômes de sevrage des gabapentinoïdes seraient comparables à ceux des benzodiazépines et de l'alcool: anxiété, insomnie, nausées, douleurs, transpiration excessive, tremblements, céphalées, dépression, sensation d’état anormal, étourdissements et malaise. Pour cette raison, l’arrêt de la gabapentine (ou de la prégabaline) doit se faire progressivement.
Une partie de la gabapentine (et de la prégabaline) utilisée pour l’abus et le mésusage provient de marchés illicites, mais des études en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis montrent également qu’entre 52% et 63% des médicaments utilisés abusivement proviennent des professionnels et établissements de santé.
Prescription et délivrance
Pour toute prescription et/ou délivrance de gabapentine, il est important :
- de pratiquer une anamnèse médico-psychosociale du patient afin d’identifier les patients présentant des risques accrus de mésusage, d’abus et de dépendance (un éventuel cumul des vulnérabilités doit être considéré avec attention) ;
- de respecter les posologies recommandées dans le RCP et de ne pas prescrire systématiquement de grandes quantités ;
- chez les patients déjà traités par la gabapentine, de surveiller attentivement les signes de mésusage, d’abus, de développement d‘une tolérance avec augmentation de la dose décidée par les patients, de dépendance et de comportements encourageant la prescription ou la délivrance de gabapentine ;
- d’être particulièrement attentif à la consommation d’autres substances psychoactives (risque de renforcement des effets, mais également augmentation du risque de dépression respiratoire ou de coma) ;
- de considérer une réduction de la posologie pour tous les patients chez qui l’élimination de la gabapentine est réduite (insuffisance rénale, âge avancé) ou pour les patients souffrant d’une grave affection respiratoire.
Interruption du traitement
En cas d’arrêt nécessaire du traitement par gabapentine, il convient de ne pas sous-estimer le risque de symptômes liés au sevrage. Il est recommandé de pratiquer un arrêt progressif, sur au moins une semaine, quelle que soit l’indication initiale de la gabapentine.
Notifier un abus ou un mésusage
Patients et professionnels de la santé sont encouragés à notifier les abus et les mésusages à l’AFMPS.
Médecins et pharmaciens sont invités à porter plainte auprès de la police s’ils identifient de fausses prescriptions.
Références
- Evoy et al., Drugs. 2021 Jan;81(1):125-156
- Smith et al., Addiction. 2016 Jul;111(7):1160-74.
- Tambon et al., Front Psychiatry. 2021 Feb 3:12:639780.
- Driot et al., Br J Clin Pharmacol. 2019 85:1260–9
- Smith et al., Br J Gen Pract. 2012 Aug;62(601):406-7
- Bonnet et al., Eur Neuropsychopharmacol. 2017 Dec;27(12):1185-1215.