L’Unité Audit des Hôpitaux, l’équipe d’audit du SPF Santé publique, de l’AFMPS et de l’INAMI, s’est penchée sur les opérations de pose de prothèses de la hanche dans les hôpitaux belges. Sur base de ses constats, elle formule des recommandations ciblées pour améliorer la qualité des soins et utiliser de manière optimale les moyens disponibles lors de ces opérations fréquentes.
En Belgique, tout comme en Europe, la pose d’une prothèse de la hanche est une opération fréquente. Leur nombre ne cesse d’augmenter, principalement en raison du vieillissement de la population. Sur base du registre belge des prothèses, Orthopride, cette opération est indiquée dans 91 % des cas en présence d’arthrose ou d’une fracture du col du fémur.
Évaluer la qualité du processus de soins pour les patients opérés
Pour en savoir plus sur les séjours hospitaliers destinés à la pose d’une prothèse de la hanche en Belgique, les auditeurs se sont basés sur des indicateurs ou des recommandations internationales issus de la littérature scientifique. Ils ont fondé leur analyse sur les données fédérales disponibles (depuis 2019), sur un questionnaire en ligne complété par 98 hôpitaux (automne 2022) et sur un audit de terrain mené dans 30 hôpitaux (printemps 2023). Cette étude a été réalisée en étroite collaboration avec les associations scientifiques belges concernées.
Les constats de l’équipe d’audit
- La proportion de placements d’une prothèse totale de la hanche en cas d’arthrose est similaire dans toutes les régions. Dans la partie nord du pays, après une fracture du col du fémur, l’équipe d’audit observe plus souvent la pose d’une prothèse totale de la hanche que d’une prothèse fémorale.
- La durée d’hospitalisation a fortement diminué ces dernières années. L’organisation d’un trajet de soins selon le concept « rapid recovery after surgery » y contribue, en préparant le patient aux conséquences de la chirurgie dès la phase préopératoire, afin d’assurer une récupération des capacités fonctionnelles et un retour plus rapides en toute sécurité aux activités de la vie quotidienne.
- Le nombre d’opérations par hôpital et par chirurgien varie fortement d’un hôpital à l’autre. En 2019, le nombre de séjours par hôpital variait de 10 à 1.072 séjours. 4 % des orthopédistes avaient réalisé 24 % de l’ensemble des opérations pour prothèse totale de la hanche, tandis que 64 % d’entre eux avaient facturé moins d’une opération par semaine. Les analyses montrent qu’une augmentation du nombre d’opérations par hôpital et par chirurgien est associée à une réduction (statistiquement significative) de la durée du séjour.
- Les critères pour choisir une prothèse (type de prothèse, type de fixation, matériaux utilisés) dépendent de critères individuels liés au chirurgien. Ces critères doivent pourtant reposer sur des outils objectifs, des échelles ou des banques de données (registres). Les associations scientifiques sont compétentes pour élaborer des critères pour choisir la prothèse la mieux adaptée au patient.
- Le délai avant opération. En Belgique, 68 services d’orthopédie sur les 98 (càd 69 % des hôpitaux) opèrent plus de 75 % de leurs patients victimes de fracture dans le délai imparti, fixé à moins de 48 heures. 31 % des hôpitaux devront s’améliorer pour atteindre ce seuil. L’audit relève aussi des différences importantes dans le traitement d’une fracture du col du fémur pour les aspects suivants :
o La mesure et l’analyse du délai entre l’admission et l’opération.
o La réalisation d’une opération le week-end pour un patient admis le vendredi.
o Le choix du type de prothèse : prothèse totale ou partielle (fémorale).
- La mobilisation du patient. Sur base des données de facturation, la majorité des hôpitaux proposent de la kinésithérapie ou de la physiothérapie lors de ce type de chirurgie. Selon les recommandations internationales, la mobilisation du patient doit avoir lieu dans les 24 heures suivant la pose d’une prothèse totale de la hanche. Des différences significatives existent toutefois entre hôpitaux à cet égard, tant pour la mobilisation du patient que pour les coûts qui y sont liés.
- La prise en charge des patients âgés. Plus d’1 patient sur 4 opéré de la hanche est âgé de 80 ans ou plus. Lorsqu’une opération fait suite à une fracture, le patient âgé est plus souvent hospitalisé dans une unité de gériatrie. La différence entre hôpitaux dans l’organisation des soins au patient âgé est considérable. Le nombre de facturations pour des prestations de l’équipe de liaison gériatrique pour les patients âgés admis dans un service de chirurgie est relativement faible. Dans 63 % des séjours pour fractures, la liaison gériatrique n’est pas sollicitée. On relève aussi que la politique de prise en charge à la suite d’une fracture (type de prothèse et type de fixation) diffère d’un hôpital à l’autre.
- L’information sur la traçabilité des implants. La majorité des patients chez qui un implant de la hanche est posé ne reçoivent aucune information sur la traçabilité de cet implant.
- Lorsque le patient quitte l’hôpital, le rapport de sortie constitue une source importante d’informations de santé pour les dispensateurs de soins responsables des soins à domicile. Les informations relatives au traitement de la douleur, au suivi par imagerie ou à la destination du patient lors de sa sortie manquaient dans respectivement 18 %, 55 % et 61 % des dossiers audités.
- Lors de leurs contacts et de leurs visites aux hôpitaux, les auditeurs ont remarqué que l’audit incitait diverses institutions à revoir leurs processus.
Recommandations
Le rapport d’audit formule au total 6 recommandations de bonne pratique, 11 points d’amélioration avec un délai obligatoire pour leur mise en œuvre, et 32 points d’amélioration sans délai. Nous détaillons ci-dessous certaines de ces recommandations.
Tous les points d’amélioration sont basés sur l’Evidence-Based Medicine, sur l’Evidence-Based Practice, sur une pratique efficiente, efficace et de qualité ou sur la législation. Lorsqu’un hôpital reçoit une proposition contenant des points d’amélioration obligatoires, ceux-ci doivent être implémentés dans un délai fixé (variant entre « immédiatement » et douze mois). Les points d’action recommandés n’ont pas de délai imposé mais visent clairement une amélioration de la qualité.
AMÉLIORATIONS OBLIGATOIRES :
- Raccourcir le délai entre admission et opération : Un intervalle de temps court réduit le risque de complications (morbidité) et diminue la mortalité. Les recommandations internationales indiquent qu’une fracture du col du fémur doit être opérée dans les 24 à 48 heures. Nous demanderons à certains hôpitaux de prendre des mesures pour atteindre eux aussi l’objectif minimum de 75 % de séjours pour lesquels il s’écoule moins de 48 heures entre l’admission et l’opération.
- Améliorer l’information au patient sur la traçabilité de l’implant : Tous les professionnels de santé ont l’obligation légale d’informer leurs patients sur la traçabilité de leurs implants, soit au moyen de la carte physique d’implant si elle est délivrée par l’entreprise, soit au moyen de la carte d’implants du Registre Central de Traçabilité (RCT).
- Améliorer les informations des dossiers médicaux : Pour garantir la continuité des soins, les hôpitaux doivent se conformer aux obligations légales en matière de tenue des dossiers médicaux, en particulier concernant les protocoles opératoires et d’anesthésie et les rapports de sortie.
AMÉLIORATIONS RECOMMANDÉES
- Dans tous les hôpitaux, offrir aux patients victimes de fractures la même qualité de soins quel que soit le jour de l’admission, y compris durant le week-end (délai d’attente avant l’opération, éducation du patient, etc.).
- Les associations scientifiques devraient développer des recommandations pour que les critères pour le choix des implants se basent sur des outils, des échelles validées ou des bases de données (registres).
- Développer un modèle orthogériatrique (trajet de soins spécifique pour le patient gériatrique avec problématique orthopédique) dans tous les hôpitaux.
- Mettre en place dans chaque hôpital une procédure de mobilisation du patient (exercice physique) pour chaque type de prothèse de la hanche, fondée sur des recommandations internationales et sur l’état clinique et cognitif du patient.
- Les opérations de prothèse de la hanche peuvent s’effectuer en hôpital de jour. Les entretiens menés lors de l'audit sur place nous ont permis de constater qu'il est important de définir des critères de sélection basés sur les caractéristiques des patients (âge et comorbidités) et sur leurs conditions de vie.
- Pour garantir la qualité et la sécurité des soins, rendre les informations du registre Orthopride accessibles à tous les chirurgiens orthopédistes, quel que soit celui qui implante la prothèse primaire. Chaque chirurgien doit aussi avoir accès à ses propres données concernant le patient et l’implant.
LUMIÈRE SUR LES BONNES PRATIQUES :
L’audit a pu pointer plusieurs bonnes pratiques. En particulier :
- Le respect des recommandations publiées concernant l’antibioprophylaxie, tant pour le choix de l’antibiotique que pour le moment auquel il est administré (dans les 60 minutes précédant l’incision).
- Une politique spécifique pour mobiliser les patients les plus vulnérables (par exemple, les patients atteints de troubles cognitifs).
- Le programme d’éducation du patient au cours des semaines précédant une opération chirurgicale planifiée, suivi individuellement ou en groupe, avec le chirurgien orthopédiste ou dans le cadre de séances multidisciplinaires. Certains hôpitaux se distinguent en donnant des informations au patient victime d’une fracture même dans une situation d’urgence.
L’Unité Audit des Hôpitaux
L’Unité Audit des Hôpitaux est une équipe d’audit sous une structure fédérale de co-gouvernance (AFMPS, SPF Santé publique et INAMI). Cette unité réalise des audits thématiques dans les hôpitaux et le domaine des soins hospitaliers. Sa mission est d’améliorer la qualité, la performance, la conformité et l’efficacité des soins de santé organisés et dispensés par les hôpitaux. L’objectif est de créer une valeur ajoutée pour les patients, pour l’hôpital et pour les pouvoirs publics, et d’optimaliser les moyens fédéraux disponibles prévus pour les soins de santé.
Chaque hôpital effectuant des opérations de prothèse de la hanche a reçu un rapport individualisé. L’hôpital y retrouve sa position pour chaque thème audité. Sur cette base, il peut alors identifier ses points d’amélioration ou ses bonnes pratiques. Les associations scientifiques (BVOT, SORBCOT et BHS), les associations de médecins chefs (Association Francophone des Médecins Chefs (AFMC) et Vlaamse Vereniging Hoofdartsen), les fédérations d’hôpitaux (Santhea, Zorgnet-Icuro, Unessa, Gibbis, la fédération des hôpitaux privés de Belgique (FHPB)), la PAQS et le VIKS ont eu l’occasion de commenter le rapport d’audit.
Annexe : Synthèse du rapport d’audit et Rapport d’audit complet.