Flash VIG-news : abus des antalgiques opioïdes – pour un usage rationnel des opioïdes

Date: 06/01/2020

L’Amérique du Nord connait depuis plusieurs années une « épidémie » d’abus, de surdosages et de décès liés aux opioïdes. Dans une moindre mesure, ces dernières années l’utilisation d’opioïdes en Europe a fortement augmenté, entre autres pour faire face au syndrome de la douleur chronique. Bien que s’inscrivant dans le cadre de l’amélioration de la prise en charge de la douleur, l’utilisation accrue d’opioïdes est remise en question au vu des risques associés à leur abus. L’accent est donc mis sur la prévention de la dépendance et des abus, et sur l’importance de l’usage rationnel des opioïdes.

Ces dernières années, une consommation croissante d’opioïdes a été observée en Europe. Cette consommation croissante n’atteint pas encore les proportions constatées aux États-Unis et au Canada. Cependant, les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiés en mai 2019 montrent que la Belgique est, après l’Allemagne et l’Autriche, le troisième pays européen où la consommation journalière d’opioïdes, par million d’habitants, est la plus importante.

Les Pays-Bas ont observé une forte augmentation du nombre de prescriptions d’opioïdes entre 2005 et 2015. La prescription médicale d’opioïdes puissants y a sextuplé. La plus forte augmentation de consommation des opioïdes (modérés ou puissants) concernait l’oxycodone et le tramadol.

En France, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a noté qu’entre 2006 et 2017, la prescription d’opioïdes forts a augmenté d’environ 150 %. En 2017, les antalgiques opioïdes les plus consommés en France sont, par ordre décroissant : le tramadol, la codéine (en association), la morphine, l’oxycodone et le fentanyl.

En Belgique, l’Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) a analysé la consommation de cinq opioïdes (tramadol, tilidine, oxycodone, fentanyl, piritramide) qui représentent environ 80 % de l'usage total de tous les opioïdes remboursables. Entre 2006 et 2017, le nombre de patients ayant consommé au moins un de ces cinq opioïdes a augmenté de 88 %, atteignant 1.104.485 assurés soit environ 10 % de l'ensemble des Belges.

En décembre 2018, l’INAMI a organisé une réunion de consensus afin d’évaluer les pratiques d’utilisation des opioïdes dans le traitement de la douleur chronique et de proposer des recommandations pour un usage rationnel des opioïdes. Les experts ont, entre autres, discuté des effets indésirables associés à leur usage chronique, par exemple l’hyperalgésie et les syndromes d’accoutumance et de dépendance. Il a été mis en avant que plus un produit est puissant, plus son action est rapide et de courte durée, plus il entraine une dépendance. Ainsi, le risque d'usage inapproprié des opioïdes est 5 à 6 fois plus élevé pour les opioïdes à action rapide. C’est pour cette raison que l’usage des opioïdes à action rapide, et surtout ultra rapide, doit être surveillé de près. La prévention des dépendances et des abus passe par le choix de l’opioïde : préférez, si possible, un opioïde à action lente et prolongée, à la dose efficace la plus faible et pour la durée la plus courte possible.

Le comité d’experts réuni par l’INAMI a aussi relevé l’existence d’instruments de dépistage et d'évaluation permettant d’identifier les patients à risque accru de mésusage ou d'abus d'opioïdes (NPC_Canada, CDC 2016, ASCO 2016)*. Les experts ont également souligné qu’une bonne communication entre professionnels de la santé, mais aussi avec le patient et sa famille, est essentielle pour promouvoir l’usage adéquat des analgésiques, permettre la surveillance de l’usage abusif et prévenir le nomadisme médical.

Le comité a conclu que comme pour tous les médicaments, la prudence thérapeutique est de mise avec les opioïdes pour l’indication, la sélection et le suivi des patients. Les opioïdes n’ont qu’une place limitée dans le traitement multimodal de certains syndromes de la douleur chronique. Même dans ce cas-là, ils ne sont que rarement le premier choix. À l’heure actuelle, les preuves scientifiques concernant leur valeur ajoutée en cas de traitement de longue durée (plus de trois mois) sont limitées. Le rapport complet du jury est disponible sur le site web de l’INAMI (Réunions de consensus – Rapports du jury).

Le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) a rappelé la place des opioïdes dans le traitement des douleurs non cancéreuses et le rôle très limité de l’usage des opioïdes dans les douleurs chroniques de l’arthrose et du dos (avec rappel des conclusions du KCE à ce sujet). Le CBIP a également attiré l’attention des professionnels de la santé sur les risques associés à l’utilisation des préparations combinant des opioïdes (comme la codéine) avec du paracétamol ou un antiinflammatoire non stéroïdien (AINS). Ce type d’associations fixes peut contribuer à banaliser le recours aux opioïdes.

L’AFMPS a communiqué en 2018 sur les opioïdes. Tout d’abord sur le bon usage du fentanyl, afin de minimiser le risque d’abus, de dépendance ou d’intoxication accidentelle. Ensuite, sur les risques graves associés à l’usage concomitant des opioïdes et benzodiazépines. En raison des risques de sédation, de dépression respiratoire, et de coma pouvant être fatal, la prescription concomitante d’opioïdes et de benzodiazépines doit être réservée aux patients pour lesquels les alternatives thérapeutiques sont inadéquates.

Au vu des données préoccupantes d’augmentation d’utilisation des opioïdes (associés à un risque d’accoutumance psychologique souvent sous-estimé) et des problèmes d’abus et de mésusage qui peuvent en découler, l’AFMPS réitère l’importance d’un usage rationnel de ces substances.

A l’attention des patients
L’AFMPS rappelle l’importance d’utiliser les médicaments opioïdes à la dose prescrite et uniquement pendant la durée maximale recommandée par votre médecin. Ne prenez pas d’antidouleur opioïde provenant d’une boîte entamée, ou qui ne vous a pas été prescrite personnellement, sans avis médical.

Si vous êtes préoccupé par les risques d’accoutumance ou de dépendance, ou si vous pensez en souffrir, n’hésitez pas à en parler à votre médecin ou à votre pharmacien.

Les professionnels de la santé et les patients sont invités à notifier les effets indésirables via www.notifieruneffetindésirable.be

* NPC Canada = Canada's National Contact Point for the Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD)
CDC =Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (USA)
ASCO = American Society of Clinical Oncology

 

Dernière mise à jour le 06/01/2020